
Dans la tête d'une orthopédagogue pas comme les autres ...
Déficience sensorielle
Dans le cadre du cours sur la déficience sensorielle, il nous a été demandé d’interviewer une personne ayant un handicap visuel. Ensuite, nous devions analyser ce retour.
Témoignage
Pour mon travail, j’ai interviewé un ami de ma famille. Aujourd’hui, il a 76 ans et m’a fait un retour sur la maladie dont il est atteint depuis la naissance. On l’appelle la rétinoïque pigmentaire (rétinite pigmentaire).
Malheureusement, c’est une maladie héréditaire. C’est donc sa maman aveugle qui lui a donné le gêne. Mais il n’est pas le seul de sa famille à l’avoir eu car ses trois frères, eux aussi en sont atteints. Seule sa sœur n’a pas eu le gêne.
La particularité de sa maladie, est qu’elle est progressive. Jeune, son seul problème était qu’il voyait moins bien dans le noir. Ensuite, vers l’âge de 40 ans, son champ périphérique a commencé à diminuer. Vers l’âge de 50 ans, il n’a plus pu conduire et depuis 10-15 ans, il a une aggravation constante de sa maladie. Il faut dire que sa situation s'est compliquée en 2001 quand il a été opéré de la cataracte et qu’il a perdu la vue de l’œil droit.
Aujourd’hui, il a une cécité de l’œil droit et une vue partielle de l’œil gauche.
Je lui ai demandé comment il vivait son handicap. Sa réponse fut plutôt positive car il affronte la maladie et réagit de manière à accroitre son autonomie. Mais il m’a aussi dit que ce n’était pas toujours facile car il y a beaucoup de choses qu’il ne peut plus faire. Il a d’ailleurs eu une lueur d’espoir en 2001 lors de son opération de la cataracte, qui a finalement échoué.
Il m’expliquait qu’au fil du temps, il a dû faire des choix dans sa vie afin de préserver sa santé. Il a donc arrêté de fumer, il boit nettement moins qu’avant et se rend souvent chez le médecin.
Lors de l’interview, il m’a aussi expliqué qu'à cause de l’aggravation de sa maladie, il a dû accepter le fait de dépendre des autres, de devoir utiliser sa canne blanche, …
La rétinoïque pigmentaire, qu’on appelle aujourd’hui rétinite pigmentaire, est une maladie dégénérative de l’œil qui se caractérise par une perte progressive de la vision. Elle aboutit généralement à une cécité.
Dans ce cas-ci, nous parlons de cécité pour un personne dont la vue diminue avec l’âge (presbytie).
Lors de l’interview, j’ai bien aimé la manière dont il m’a expliqué sa maladie : « C’est comme si avec un pinceau plein de peinture noire, on vient faire des points dans ta vision ». Nous pouvons faire un lien avec le cours en ce que nous avions vu la perte de la vision périphérique. Effectivement, la plus grande crainte de cette personne est de se déplacer. Il nous explique qu’il ne lui est pas possible de repérer les obstacles. Par contre, pour lire, il n’a pas besoin d’agrandissement. Il m’expliquait que comme il savait exactement où regarder, il n’a pas besoin d’agrandir la police d’écriture. C’est une stratégie qu’il a développée au fil du temps.
Pour lui, les signaux révélateurs ont été l’aversion pour la lumière forte. Il est très sensible à cela mais en opposition, quand la lumière est trop faible, il a aussi du mal à percevoir quelque chose.
Nous pouvons aussi faire un lien avec le livre « Nouveau regards sur la vision ». Dans le chapitre 2, l’auteur nous explique que la perception visuelle est précédée d’une attente de ce qu’on va voir et que l’absence de stimulation visuelle ne veut pas dire que la zone cérébrale qui traite ces informations est inactive. Les neurones continuent à travailler. Cette activité est liée à des souvenirs ou des attentes.
Dans la reconnaissance visuelle, il y a différentes étapes. Pour commencer, il y a la catégorisation pendant laquelle le cerveau fait une ségrégation entre la figure et le fond. Ensuite, grâce à des stimuli, nous passons à la perception. Quand cette étape est faite, nous passons à l’identification pour enfin enregistrer l’image et la comparer avec celles déjà enregistrées pour finir par soit la stocker, soit l’effacer. Pour qu’il y ait cette reconnaissance visuelle, il faut que l’individu analyse l’image reçue et la compare à l’image stockée dans sa mémoire.
Effectivement, cette personne utilise beaucoup la perception visuelle. Pendant des années, il a stocké des images de chemins, visages, … Maintenant qu'il n'a plus qu'une vision extrêmement diminuée, cela lui permet d'encore se faire une image mentale de ce qui l’entoure.
Dans sa vie quotidienne, il utilise des solutions alternatives ou des stratégies de compensation. Ainsi, quand il se déplace, il peut détecter des obstacles à l’aide de son ouïe. Malheureusement, ceux-ci doivent se trouver à hauteur de son oreille, sinon il ne les repère pas. Il m’expliquait que pour les personnes avec une déficience visuelle, les autres sens se développent plus fortement. Il ne sait pas comment l’expliquer mais le vent qui se répercute sur les obstacles fait un certain bruit, ce qui lui permet de savoir où ils se trouvent par rapport à lui.
Malheureusement, les lieux publics ne sont pas du tout adaptés aux personnes malvoyantes. Il lui arrive dans la rue, de préférer marcher sur la route plutôt que sur le trottoir car au moins là, il n’y a pas d’obstacles comme des poubelles qui trainent.
Même muni de sa canne blanche, les déplacements dans la rue sont éprouvants.
Il peut aussi compte sur ses proches qui sont très attentifs à son bien-être. Lors de l’habillage le matin, il a besoin de se mettre près d’une source de lumière suffisante afin de pouvoir voir le couleur de son vêtement car dans l’armoire, il fait trop sombre. C’est pourquoi très souvent, sa femme lui est d’une grande aide. Ne pouvant pas non plus voir les taches sur ses vêtements, elle est là pour s’assurer que tout soit propre.
Un point qui l’amuse beaucoup, est que quand il se promène dans la rue avec sa canne, beaucoup de piétons s’arrêtent afin de lui demander s’il a besoin d’aide.
Il m’expliquait d’ailleurs qu’au niveau social, ce n’était pas toujours facile. Ayant une vision très limitée, il lui arrive de croiser dans la rue des personnes qu’il connait mais qu’il ne voit tout simplement pas. Et plus d’une fois, des connaissances l’ont trouvé grossier car il ne leur disait pas bonjour.
Durant ses études, il n’avait pas particulièrement de problème visuel. La seule chose qui pouvait le déranger était sa vision nocturne.
Je me suis quand même posé la question : « Si je rencontre un enfant ayant cette déficience visuelle dans une classe, qu’est-ce que je pourrais mettre en place pour lui ? ».
Je pense qu’il serait intéressant d’agrandir les textes. Nous pourrions aussi le faire travailler sur un plan incliné près de la fenêtre afin que son travail puisse se retrouver dans son champ de vision et qu’il ait suffisamment de lumière.
La collaboration avec ses pairs peut aussi être un point positif et pour son intégration en classe et pour son apprentissage.
« Vivant dans des chemins » comme il l'expliquait, il faudra constamment veiller à ce que rien ne traine en classe.
Pour finir, en tant qu’ortho, il est important de sensibiliser les autres enfants de la classe afin qu’il ne soit pas exclu.
Mais il faudra veiller aussi à faire un suivi pluridisciplinaire constant afin de cibler ses besoins scolaires. Il faudra organiser des réunions régulières afin de pourvoir les évaluer et les adapter si besoin.
Témoignage
Mbo Gonda, A. (2020-2021). déficience sensorielle. Spécialisation en orthopédagogie. HE2B. Bruxelles.